jeudi 11 avril 2013

Fin du secret bancaire: effets d'annonce ou vraie transparence ?

Depuis le temps qu'on nous l'annonce à l'agonie, il n'est toujours pas mort, le secret bancaire ? Il vient en tout cas de pousser quelques râles laissant penser que le supplice touche à sa fin.
Le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, a annoncé mercredi que son pays était prêt à échanger de façon automatique des informations sur l'épargne des Européens à partir du 1er janvier 2015. Le chancelier social-démocrate autrichien Werner Faymann a embrayé en annonçant sa volonté de "négocier" la levée du secret bancaire pour les résidents étrangers.
Cinq grands pays (France, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Espagne) ont par ailleurs proposé d'étendre à toute l'Europe un système pilote d'échange multilatéral et réciproque d'informations fiscales, mis en place sous pression des Etats-Unis et de leur loi Fatca (ici).
Ce sont des progrès substantiels, du moins si on garde à l'esprit la lenteur infinie de l'harmonisation fiscale en Europe (voir mes posts précédents ici et ici). Comme le dit Pascal Canfin, ancien eurodéputé et journaliste d'Alternatives Economiques, grand pourfendeur des paradis fiscaux, "en quinze jours, on a remporté des batailles que nous menions depuis des années". Faut-il pour autant se réjouir, comme le fait un peu vite celui qui est désormais ministre de François Hollande ?
Sans aucun doute, l'accumulation de scandales et le contexte d'austérité donnent lieu à un écoeurement tel que les politiques doivent désormais donner des gages aux populations. Chypre, Cahuzac, OffshoreLeaks ont changé dramatiquement la donne.
Mais attention aux effets d'annonce et aux réformes de façade... Le Luxembourg et l'Autriche savaient leur secret bancaire condamné sous sa forme actuelle. L'inéluctable application de Fatca, combinée à l'obligation européenne de réciprocité (un mécanisme juridique que je détaillais ici) signifie en effet qu'ils seront légalement tenus de coopérer d'ici quelques années. Il est donc judicieux pour eux de faire une petite concession maintenant, alors que tous les projecteurs internationaux sont braqués sur l'évasion fiscale après les Offshore Leaks. Le Luxembourg, en particulier, est passé maître dans l'art de transformer une contrainte en une opportunité (à l'oeuvre ici et particulièrement ici). La meilleure défense, c'est l'attaque.
Reprendre la main, c'est aussi la stratégie privilégiée par François Hollande, quand il propose la publication controversée des patrimoines des élus (ici) ou avec le projet pilote de Fatca européen. Ce dernier s'apparente en fait surtout au recyclage médiatique d'un processus déjà bien en cours. Et qui permettra aux ministres d'afficher des résultats ce samedi, après des discussions européennes informelles à Dublin. 
Mais les vrais progrès prendront du temps et devront être examinés dans les détails. Retarder les accords, les saucissonner et les noyer dans une complexité propice aux malentendus ont toujours été des tactiques de prédilection des pays de secret bancaire. Il n'y a pas de raison que cela change.
Le secret ne sera vraiment enterré que si la transparence s'applique clairement à toutes les catégories de revenus, sans possibilité de contournement via des trusts, fondations et autres structures opaques. Pas avant. Même si dès ce week-end, à coup sûr, des ministres danseront sur sa tombe devant les caméras de télévision.

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